Roville-devant-Bayon

Le village :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Roville-devant-Bayon

Ce village est caractérisé par deux aventures particulières, la première école d’agriculture puis la première usine de de tissage

La première école d’agriculture :

Antoine Bertier est initiateur en 1811, d’une école de « mutuelle » qui deviendra avec Mathieu de Dombasle en 1820 une des premières écoles d’agriculture française et fabrique d’instruments agraire Il se fait connaître dans le monde agricole par ses premiers écrits et par sa charrue qu’il perfectionne  dans des ateliers à Nancy. Il est nommé président de la nouvelle Société d’Agriculture de Nancy.

la première usine de de tissage :

Charles Verenet, industriel de Reims, est attiré par la proximité de la route, du chemin de fer,  du canal et l’existence d’un ancien moulin avec chute d’eau.

Il lance en 1895, la construction de la première usine de tissage agrandie ensuite d’une filature. Après la seconde guerre mondiale, l’usine fut le plus gros employeur de la région. Elle sera détruite en 1990.

Après la seconde guerre mondiale, l’usine plus gros employeur de la région tourne à plein régime. Le tissage fermera en premier, puis plus récemment la filature. A son emplacement est désormais installé un supermarché.

Les cités sont pratiquement le dernier témoin du passé industriel de Roville-devant-Bayon :

Confluence du canal des meuniers

A la première écluse se trouve le lieu de confluence du canal des meuniers avec le canal de l’Est

Antoine  BERTIER, le bienfaiteur de Roville

Sur la façade du N°4 de la rue des Acacias, est fixée une plaque dédiée à un nommé Antoine BERTIER.

Qui était donc cet Antoine BERTIER,  décédé en 1854  et reposant aujourd’hui, dans le cimetière communal, dans l’anonymat le plus total. ?

L’histoire de sa vie, écrite en 1875  par Camille VIOX, député de Lunéville, mais aussi, intime d’Antoine BERTIER, commence ainsi :

« C’est à coup sûr, un des plus utiles à son pays, et l’un des plus dignes de respect que nous ayons connus. Nul n’a montré, à la fois, un sens plus exact  des réalités humaines et un désir plus éclairé du progrès. Il fut tout ensemble, un économiste, un agronome, un politique, un esprit positif et cultivé, un homme pratique et un homme du monde accompli. Il a rendu, notamment, à l’agriculture qu’il aimait par dessus toute chose, les services les plus essentiels …. »

Antoine Bertier  est né à Nancy le 26 septembre 1761. Son père commerçant, considérant que Nancy n’était pas un centre d’affaires assez important lui conseille d’aller tenter l’aventure ailleurs. C’est pourquoi, très jeune, il part pour la Hollande, puis en Allemagne (Hambourg) où son patron, frappé  par ses capacités, lui conseille d’aller tenter fortune à Saint Domingue.

Alors que parlant déjà le Hollandais et l’allemand, à l’âge de 20 ans, il s’embarque pour le Nouveau Monde où il apprendra l’Anglais.

Là il rencontre un riche homme d’affaires qui lui prête sur parole la somme énorme de 300 000 francs  qu’il va rapidement  faire fructifier. (A noter qu’il fera connaissance du célèbre Toussaint Louverture  qui mènera la révolte des esclaves noirs de 1791 à1802).

En 1789, ayant fait fortune   dans l’immobilier, il décide de rentrer en France et prend part à la Révolution française.

Mais,  son goût  pour l’agriculture et le progrès le pousse à acheter  des terres mis en vente par les héritiers de Mr de la Galaizières, habitant au château de Neuviller. C’est ainsi qu’en 1791, s’installe à Roville Antoine Bertier,  dans la belle demeure de Mr de Trompette, ex-capitaine des Gardes, pour ne plus la quitter.

A cette époque, Roville   n’était qu’un pauvre hameau. La plaine qui le sépare  de Bayon était totalement inculte, il n’y avait   que grèves désolées, marais et ruisseaux…

Cependant, Antoine Bertier y voyait déjà là un avantage : les terres qu’il venait d’acquérir avaient fait l’objet, dès 1770, (comme à Neuviller)  d’un remembrement (le premier du genre en France) avec un   réseau de chemins rectilignes  (que l’on utilise encore aujourd’hui).

En 2 ans, la vallée  se trouva totalement métamorphosée  après d’importants  et méthodiques travaux : ramassage des plus gros cailloux, défonçage des sols, apport de marnes et de calcaires venant de la côte ; apparurent alors les champs cultivés, les prairies naturelles et artificielles, de nouvelles cultures comme le sainfoin , le trèfle, le houblon, de la carotte à grande échelle, du navet…Apparaissent aussi  dans la plaine des troupeaux de bétail ; un troupeau de 600 moutons mérinos est acheté par Antoine Bertier. Des dizaines de milliers  d’arbres furent plantés  dans les zones incultivables .Après une certaine défiance  du monde agricole, on vint bientôt le consulter, lui demander conseil : il était devenu un personnage incontournable en matière d’agriculture. D’ailleurs sa notoriété l’amena bien  vite à occuper de multiples fonctions publiques : il sera Maire de Roville, juge de paix du canton de Neuviller, Membre du conseil de district deVézelise, du conseil  d’arrondissement de Nancy, du conseil général de la Meurthe et siégea même quelque temps à la Chambre des Représentants (mise en place par Napoléon 1 er, pendant la période des Cent jours, en 1815_ cette chambre ne dura qu’un mois)

Mais Antoine Bertier désirait que son œuvre perdure. Pour cela il comptait beaucoup sur l’enseignement.

Il conçoit donc tout un programme d’enseignement  et commence par créer à Roville  une école primaire  qui accueillait outre les enfants de Roville, mais aussi de Neuviller, Mangonville et Laneuville. Cette école  inaugurée en 1819, qui se voulait profondément laïque et qui fonctionnait  avec un système pédagogique révolutionnaire (l’école mutuelle) rencontra aussitôt un adversaire acharné en la personne de l’évêque de Nancy, Mr de Forbin-Jeanson. La lutte dura 7 ans et l’école fut fermée hélas le 1er juin 1827.

Mais dès 1820, il avait préparé les bases d’un Institut agricole, unique en France. Se sentant trop vieux il en confia la direction  à Mathieu de Dombasle qui arrive donc pour prendre ses fonctions à Roville le  1er mars 1823.

Hélas, les relations ne restèrent pas au beau fixe entre Antoine Bertier, propriétaire bailleur et Mathieu de Dombasle  .Mais cet institut aura un succès prodigieux  dans toute la France. En 1824, Mathieu de Dombasle organisera à Roville, le 1er Comice agricole de France. Faute  de repreneur l’institut de Roville fermera ses portes en 1843, à la mort de Mathieu de Dombasle.

Toutefois Antoine Bertier continua   à travailler sur les terres qu’il s’était réservées, mais surtout à expérimenter, innover et implanter  de nouvelles cultures comme le houblon par exemple. Il est aussi à l’origine de  la création de la route reliant  Lunéville à Vaucouleurs et passant par Bayon, Haroué, Vézelise…

Tout au long de sa vie, il  entretint des relations d’amitié avec  de nombreux personnages célèbres qu’il reçut régulièrement chez lui :

La Fayette, l’Abbé Grégoire( militant actif de l’abolition de l’esclavage) , Casimir Périer ( Président de la République en 1894 pendant 6 mois et 16 jours), Dupont de l’Eure, Fellenberg ( pédagogue et agronome suisse) ,Pestalozzi (éducateur, penseur et pédagogue suisse), Oberlin (pasteur protestant alsacien, apôtre du progrès social) François de Neufchâteau ( écrivain, homme politique et agronome né à Saffais) , le général Drouot , Benjamin Constant …Il eut même la visite du Comte d’Artois , qui deviendra le roi Charles x (1824 à1830)

Antoine Bertier  s’éteint le 5 décembre 1854, à 93 ans  et repose au cimetière communal.

Le 18 août 1895, Mr Tisserand, conseiller d’Etat, Directeur de l’Agriculture au Ministère, vient inaugurer, à Roville, un monument élevé à la gloire…..de Mathieu de Dombasle.

(Cette sculpture en bronze sera fondue par les Allemands en 1944, pour leur effort de guerre Le monument sera restauré en 1986, grâce à une souscription publique, à l’initiative du Maire de l’époque, Marcel Ravailler)

 Conclusion :  On peut encore s’interroger  sur cette énorme injustice faite à Antoine Bertier ; si Mathieu de Dombasle avait bien inventé la charrue, il est parfaitement reconnu qu’en venant à Roville, il n’a fait qu’appliquer  les idées novatrices de  son bailleur, Antoine Bertier qui fut d’ailleurs reconnu, à sa mort, comme  l’un des 15 meilleurs agriculteurs de France ! ( titulaire de la Légion d’Honneur)

 A-t- on fait payer à cet humaniste, profondément libéral, laïc, disciple inconditionnel de Voltaire un engagement  contraire à l’ère de son  temps ?

Guy Bourguignon

Philippe Bonneval

Print Friendly, PDF & Email